AVANT-PROPOS


“Les Robinson Suisses “est l’histoire d’une famille qui, à la suite d’un naufrage sur une île déserte, recrée tous les bienfaits de la civilisation à partir des moyens du bord par le seul recours à l’ingéniosité de ses membres et suivant une logique du “do it yourself”.
Cette logique issue de la bible de mon enfance m’a poussé à devenir alternativement peintre-plombier-électricien-menuisier-mécanicien-brocanteur-cuisinier-photographe-sculpteur-artiste et dans le cas présent biographe. A être en quelque sorte un manifeste du dilettantisme absolu en refusant la spécialisation exigée pour un professionnel. La délectation du bricoleur amateur, une sorte d’épicurien du “système D” doté d’un goût prononcé pour les efforts moindres, mais soucieux de la perfection du résultat.
En retrouvant, il y a quelques années, dans une brocante un Télécran, le même que celui qui avait succombé à ma soif de connaissances et à un démontage intempestif, je trouvais enfin concrétisé dans ce jouet l’ensemble de mes aspirations.
La fascination que j’éprouvais face aux applications multiples de la géométrie élémentaire que j’avais développée dans mes sculptures apparaissait de manière encore plus évidente dans cet objet: Le déplacement d’une coordonnée déterminée par deux axes perpendiculaires permettait d’obtenir l’image d’un tableau du Titien !
D’autre part, il ne me déplaisait pas de me moquer de mon désir d’inscrire dans la durée une activité aussi futile que celle de l’art, en utilisant un objet qui, par nature, réservait au dessin un avenir éphémère.
La modélisation sur Télécrans et l’interprétation respectueuse des images existantes découle peut-être du même besoin qui m’avait toujours poussé à n’utiliser, pour les recycler, que des matériaux de rebut pour ne pas avoir à gaspiller un matériau brut. Pourquoi rajouter des images à toutes celles qui existent déjà ? La relecture suffit peut-être à donner un sens nouveau. Et puis la seule recherche des images à reproduire suffisait à justifier mes envies de collectionneur.
Lors des premières présentations des Télécrans, je dus me rendre à l’évidence que l’interprétation qu’en faisait le public ne correspondait pas entièrement à mes attentes. Entre l’émerveillement, face à la virtuosité de l’artiste et l’inquiétude pour le devenir des objets s’insinuait une présomption de tricherie que seule une vérification de manu pouvait effacer .
En aucun cas la virtuosité à elle seulene fait art; elle s’avérait pourtant être un outil indispensable pour les dessins sur Télécran, mais elle n’était que le résultat d’une pratique intense qui remontait à mon enfance et qui, bien qu’ayant été interrompue pendant une longue période, s’était vue enrichie par la fréquentation d’une excellente école d’art.
Parallèlement aux dessins sur Télécrans, sont apparus les agrandissements photographiques face auxquels le rapport physique différait tellement qu’une lecture réduite au seul terrain de la fragilité, de l’unicité et de l’intimité n’était plus possible.
Une manière d’affirmer qu’aux réponses, je préfère substituer des questions.

Stéphane Lallemand